Bientôt la fin du fonds en euros ?

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L’assurance-vie a récemment fait l’objet de plusieurs propositions d’aménagement notamment en ce qui concerne le fonds en euros. L’une de ces propositions, publiée au journal officiel le 14 juillet 2016, vise à verser une partie des réserves non distribuées des fonds en euros vers les fonds eurocroissance nouvellement créés. La seconde initiative (loi Sapin 2), en deuxième lecture à l’Assemblée nationale à compter d’aujourd’hui après l’échec des travaux de la commission mixte paritaire, comprend deux volets sur l’assurance-vie : l’encadrement de la rémunération des fonds en euros et la liquidité des contrats. Les enjeux liés à ces deux initiatives sont importants pour les détenteurs de contrats d’assurance-vie et plus encore pour ceux possédant des actifs significatifs dans les fonds en euros.

1/ Le transfert autorisé des plus-values latentes des fonds en euros vers l’eurocroissance

Le 14 juillet 2016 a été publié au Journal Officiel, en toute discrétion, un décret offrant la possibilité aux compagnies d’assurance de transférer une quote-part des plus-values latentes constatées sur les fonds en euros des contrats d’assurance-vie des clients vers les fonds eurocroissance. La fenêtre de ces transferts est temporaire, le dispositif étant prévu jusqu’au 31 décembre 2018.

Pour mémoire, les fonds eurocroissance ont été créés fin 2014 dans le but d’orienter l’épargne des français vers le financement des entreprises de taille intermédiaire (ETI) tout en offrant une garantie en capital. Mais, contrairement au fonds en euros, cette garantie en capital n’est assurée qu’à la seule échéance du contrat (au minimum 8 ans). L’objectif de ce nouveau fonds est d’offrir une rentabilité supérieure aux fonds en euros dans un contexte de rendements déclinants. Pour autant, depuis leur mise en place, ces fonds eurocroissance n’ont pas connu le succès escompté, d’où l’envie des autorités de les renforcer en conférant la possibilité aux assureurs de réaliser ces transferts des fonds en euros vers les fonds eurocroissance de leur propre initiative.

Le décret soumet les entreprises d’assurance exerçant cette faculté à des obligations renforcées d’information auprès du client. Au plus tard dans les 3 mois de la réalisation du transfert (donc a posteriori), les entreprises d’assurance devront informer individuellement les assurés impactés. Les compagnies d’assurance seront également dans l’obligation d’informer, annuellement et individuellement les clients, de la portée des transferts d’actifs effectués lors du dernier exercice clos.
D’un point de vue technique, toutes les plus-values latentes du portefeuille de l’assureur ne sont pas pour autant transférables. Les plus-values transférables ne concernent que celles qui n’ont pas encore été comptabilisées à son actif général. En outre, ces montants dépendront des transferts des fonds en euros classiques décidés par les épargnants vers les fonds eurocroissance. Des décrets d’application en préciseront les règles de transfert. Il ne s’agit donc pas de vider de leur substance les réserves des fonds en euros au seul bon vouloir de l’assureur ou de celui du gouvernement.

2/ L’encadrement de la rémunération des fonds en euros

Le projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est depuis ce matin en cours de réexamen devant l’Assemblée nationale.

L’article 21 bis du projet de loi Sapin 2 fait débat dans le secteur de l’assurance-vie et pourrait faire évoluer les caractéristiques du placement préféré des français. L’article 21 bis vient significativement renforcer le pouvoir du récent Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), « autorité macroprudentielle chargée d’exercer la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d’en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique », créée par la loi bancaire de 2013.

En détails, l’article 21 bis de la loi Sapin 2 prévoit :

Article 21 bis (nouveau) du projet de loi Sapin 2

« 5°bis : Le HCSF peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices pour l’ensemble ou un sous-ensemble des personnes mentionnées aux 1°, 3° et 5° du B du I de l’article L. 612-2 ;

5 ter : Il peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, après avis du collège de supervision de cette autorité, à l’égard de l’ensemble ou d’un sous-ensemble des personnes mentionnées aux 1° à 5° du B du I du même article L. 612-2, afin de préserver la stabilité du système financier ou de prévenir des risques représentant une menace grave pour la situation financière de l’ensemble ou d’un sous-ensemble significatif de ces personnes, prendre les mesures conservatoires suivantes :
a) Limiter temporairement l’exercice de certaines opérations ou activités, y compris l’acceptation de primes ou versements ;
b) Suspendre ou restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs »

 

Quels seront les impacts de l’application de ce texte pour l’assurance-vie et pour les épargnants ?

Le gouvernement français, via le HCSF, veut pouvoir interférer sur les taux de rémunération des fonds en euros, jusqu’à présent librement fixés par les assureurs. Le HCSF pourrait contraindre les assureurs à revoir leurs règles en matière de « participation aux bénéfices », moyen pour eux d’amortir les variations de taux et de pouvoir offrir un rendement « choisi ». A l’heure de taux historiquement bas et alors que la Banque de France appelle sans succès à la baisse de rémunération des fonds en euros, les assureurs ne pourraient ainsi plus librement « piocher » dans leurs réserves pour offrir un rendement « honorable ».

3/ Le possible encadrement de la liquidité des contrats

L’amendement précise également que les dépôts et retraits pourraient se retrouver limités voire gelés en cas de risque « grave », répondant ainsi à une demande de l’association Afer selon des déclarations de la députée Karine Berger en commission. Cette mesure rendrait l’assurance-vie moins liquide, voire non liquide, ce qui est contraire à l’essence même du contrat d’assurance-vie prônée par nombre d’assureurs. Le risque « grave » n’est à ce stade (avant seconde lecture à l’Assemblée nationale) pas défini dans le texte et serait donc basé sur l’unique appréciation du gouverneur de la Banque de France rendant son message incertain aussi bien pour les assureurs que pour les épargnants. L’assurance-vie ressemblerait ainsi aux dépôts bancaires qui eux peuvent également être bloqués…

Certains députés ont mis en avant la remise en cause de la constitutionnalité de cette décision au regard du droit de propriété des épargnants qui, si le texte passe, se verront contraints dans leurs opérations de rachat, de versement ou d’arbitrage.

La baisse du taux de rendement des fonds en euros n’est pas une nouveauté, ces derniers connaissant une baisse de rendement depuis une dizaine d’années. L’appel à une baisse plus prononcée a déjà été émis par le gouvernement les années passées. Mais malgré la tendance baissière engagée, le HCSF considère que « l’ajustement à la baisse des rémunérations des contrats d’assurance-vie intervenu en 2015 a été insuffisant au regard des circonstances macroéconomiques et financières actuelles, et en particulier des rendements prévisibles des actifs sous-jacents. Il rappelle la nécessité de poursuivre la mise en adéquation des rendements des produits d’épargne avec l’environnement financier actuel et la prudence qui doit présider à leur détermination pour garantir la solidité des acteurs ». La baisse de rémunération des fonds en euros est donc une demande forte de la Banque de France qui cherche à protéger assureurs et épargnants en cas de risque systémique.

Quelles solutions s’offrent aux acteurs financiers ?

Face à des taux tendant vers zéro, cette décision devrait inciter les épargnants soit à prendre plus de risque en se tournant vers les unités de compte, plus rentables sur le moyen-long terme, soit à se détourner de l’assurance-vie si l’option d’investissement sur des unités de compte ne leur convient pas. Certains assureurs contraignent d’ores et déjà à investir sur ces supports en unités de compte en imposant le versement d’au moins 50% des nouveaux versements sur les unités de compte. Mais cette réorientation de l’épargne ne satisfera pas les épargnants très averses au risque. Cette mesure semblerait contraire à la protection de l’investisseur et à l’adéquation de son investissement à son profil de risque.

Affaire à suivre…


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