Les fêtes de fin d’année, et Noël tout particulièrement, sont des périodes propices à la générosité familiale. Et si vous pouviez combiner générosité et transmission anticipée, générosité et optimisation fiscale ?
En deux mots, Experts en patrimoine lance « sus aux cadeaux et halte aux donations… place aux présents d’usage sy-sté-ma-tiques ! »
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Dons d’usage, une alternative aux dons manuels et dons de somme d’argent
L’intérêt des présents d’usage est de n’avoir, contrairement aux donations, aucune incidence, civile et fiscale, sur le donateur (celui qui donne) et sur le donataire (celui qui reçoit). En effet, sauf volonté contraire du donataire (qui serait surprenante), les dons d’usage n’entament pas ses abattements légaux (en d’autres mots, ils ne viennent ainsi pas réduire l’abattement au titre des droits de donation et n’ont aucune autre conséquence sur la succession) et n’ouvrent pas le calcul de droits.
Sous certaines conditions (voir ci-dessous), il est ainsi possible de transmettre, qui d’une somme d’argent, qui d’un meuble ou qui mieux encore un portefeuille titres recelant des plus-values (afin de les effacer par la même occasion), sans que la manifestation de cette générosité ne soit (re-)qualifiée en don manuel ou encore en don de somme d’argent exonéré (respectivement articles 757 et 790 G du Code Général des Impôts).
Cette donation sera réalisée sans même faire de déclaration à l’administration fiscale. En l’espèces, pas d’imprimé 2735 à déposer au service des impôts du domicile du donataire !
Peut-on pour autant tout donner ? A qui sont ouvertes ces libéralités ? Où réside le risque ? Et surtout comment le maîtriser ?
Le risque principal est celui d’une requalification de la donation
Afin de ne pas voir son geste requalifié par le fisc en donation, deux éléments sont clés : le montant et la forme de la donation. Un présent d’usage (libéralité définie à l’article 852 du Code Civil) doit cumulativement :
a/ être lié à un évènement familial. Anniversaire, réussite d’un examen, mariage, naissance d’un enfant… et bien sûr Noël seront autant de moments à privilégier ;
b/ ne pas être disproportionné par rapport au patrimoine du donateur. Si le code fait explicitement référence à sa fortune, son niveau de vie, son patrimoine pourraient également être mis en avant en cas de question de l’administration.
Cet article du code prévoit spécifiquement que ces dons particuliers ne seront pas pris en compte (ils sont dits non rapportables) à la succession du donateur.
A partir de quel montant un présent risque-t-il une requalification ?
La jurisprudence défini les présents d’usage comme étant « les cadeaux faits à l’occasion de certains événements, conformément à un usage, et n’excédant pas une certaine valeur » (Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 06/12/1988, req. n°87-15.083). Dans le Bofip (base de donnée officielle de la doctrine fiscale), l’administration nous éclaire plus encore sur la subtilité du concept : « l’appréciation de la nature d’un don manuel et de son caractère rapportable ou non en fonction de son importance, est une question de fait. » La qualification résultera donc, au plan civil comme au plan fiscal « d’un examen des circonstances concrètes ». Cette position de l’administration est incompatible avec l’application de critères normatifs préétablis : donc pas de règle de calcul, l’administration fiscale ne fixe aucune limite chiffrée. Elle indique simplement se référer à la fortune et/ou aux revenus du donateur et apprécier au cas par cas la nature du don, tout en restant elle-même « sous le contrôle souverain des juges du fond. »
Dès lors, comment procéder pour donner tout en contenant le risque fiscal ?
5 étapes pour maîtriser son risque au mieux
Etape 1 : qui peut-être gratifié ?
Si les présents d’usage profitent le plus souvent aux enfants et petits-enfants, ils pourraient tout à fait profiter à d’autres. La jurisprudence a progressivement ouvert la voie à des donataires moins évidents : neveux/nièces, cousins/cousines, concubin/concubine, … etc.
Cette liberté est d’autant plus importante, que ces dons, s’ils étaient réalisés sous la forme de dons manuels ouvriraient des droits de mutation d’autant plus important que le degré de parenté serait faible.
Mais attention, contrairement à certaines donations, les dons d’usage sont irrévocables. Il convient donc de réfléchir à deux fois à la volonté qui anime le donateur.
Etape 2 : quel évènement gratifier ?
Un don d’usage suppose des évènements choisis, « conformes aux usages », des dates particulières. Les dates possibles n’en restent pas moins nombreuses : anniversaires, mariages/PACS, diplômes, naissances, fêtes religieuses… A défaut d’évènement, le présent d’usage pourrait être requalifié en libéralité rapportable, ce qu’ont par exemple décidé des juges dans un arrêt d’octobre 2012 (Cour d’Appel de Lyon, 23 octobre 2012, n° 11-03538), jugement lors duquel des « liens affectifs, quasi-familiaux » ont été jugés insuffisants pour justifier la notion de don d’usage. C’est l’évènement qui caractérise le don d’usage, pas la proximité affective.
Etape 3 : à quel moment donner ?
A une date proche de l’évènement ! Dans l’idéal, le jour même. A défaut, on risque de ne plus pouvoir justifier le lien avec la gratification, même si la Cour de Cassation a donné de la flexibilité sur ce point (cf Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 23 mai 2012, n°11-15.302).
Etape 4 : quels éléments de preuves conserver ?
Il sera toujours bienvenu de conserver (en cas de contrôle) la preuve de ce qui a été fait. On fera donc une copie des chèques remis ou des relevés de virements bancaires. On pensera de même à indiquer des intitulés explicites lors de ces opérations (exemple : « à l’occasion de ton baccalauréat » comme intitulé de virement bancaire).
Etape 5 : combien donner ?
La grande difficulté du présent d’usage tient, vous l’avez compris, dans la détermination de son montant ou de sa valeur, conséquence d’une définition peu explicite des textes. La seule indication (introduite par le législateur en 2006) fait référence à « l’état de fortune » du disposant. Un rescrit fiscal du 3 avril 2013 (n°2013/05) a confirmé la doctrine administrative, à savoir l’absence de critères normatifs de référence et de règle de proportionnalité tant par rapport au patrimoine qu’aux revenus du donateur.
Qu’apporte la jurisprudence des tribunaux à cette imprécision et à la maîtrise du risque fiscal ?
Suite à des contentieux avec l’administration, les juges d’appel ont le plus souvent fait référence au seul patrimoine du disposant, et très rarement à ses revenus. Par ailleurs, d’un point de vue quantitatif, ils ont largement confirmé la qualification de présent d’usage lorsque les sommes constituant le présent ne dépassaient pas 2%, voire parfois 3% du patrimoine possédé… Mais n’y voyez aucune certitude sur une appréciation particulière : le juge du fond demeure souverain.
Il est enfin important de noter que la valeur du présent d’usage par rapport au patrimoine sera appréciée au moment du don (à la date où il est consenti nous dit l’article 852 du CC) et non plus tard (par exemple à la succession), quand bien même la valeur donnée se sera fortement appréciée ou le patrimoine fortement déprécié.
Mieux vaut ainsi donner de manière étalée et régulière que de façon ostensible et irrégulière. Chaque évènement évoqué plus haut peut servir de motif.
Quel est le risque encouru ?
Si l’administration considère que le cadeau ne correspond pas à la définition du don d’usage, elle pourra le requalifier en donation.
Il conviendra alors de l’acter et d’en révéler l’existence par le dépôt d’une déclaration de don manuel.
Le bénéficiaire pourra alors se voir appliquer les droits dus avec les intérêts de retard, voire des pénalités en cas de mauvaise foi caractérisée : intérêts de retard de 0,40% par mois, intérêt pouvant être majoré en cas de mauvaise foi d’une pénalité de 40%, voire de 80% en cas de manœuvres frauduleuses.
Exemple chiffré
Sous réserve de respecter les critères de fortune du donateur, en prenant pour hypothèse des donations systématiques à un enfant ou petit-enfant, à l’occasion de son anniversaire, de sa fête et de Noël, sur la base de 1 000 euros par évènement, ce sont 3 000 euros qui lui seront remis par an. Investis sur un contrat d’assurance-vie, et capitalisés (ici à 3%), la valeur de ce contrat s’élèvera à 68 000 euros à sa majorité !
En synthèse, les donations d’usages sont particulièrement efficaces à conditions d’en respecter l’esprit et la forme. Avec la réduction des abattements pour donation et succession en 2012 et l’allongement du rappel fiscal à 15 ans, elles sont à nos yeux à utiliser de manière systématique, argumentée et dosée. Joyeuses fêtes !
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