Alexandra Rosenthal, notaire collaboratrice au sein du Pôle patrimonial de l’étude Panhard & Associés (55 avenue Kléber, PARIS 16ème), et Richard Houbron, associé fondateur d’Experts en patrimoine, échangent sur le PERP. Un dialogue en trois actes s’ouvre : acte 1. « Re-découverte du PERP, un outil retraite et… successoral », acte 2 « Le PERP, un levier fiscal puissant ! », acte 3 « Quand ouvrir et comment choisir son contrat PERP ».
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Prologue
La réception de l’avis d’imposition dans les foyers a surpris plus d’un contribuable. La pression fiscale s’accroit sur les hauts revenus, c’est une évidence. Si la 1ère page concentre bien sûr l’attention, le document recèle souvent en page 4 une piste d’optimisation fiscale et de prévoyance sous-exploitée. Peu explicite, avec un intitulé à la limite du barbarisme (Plafond Epargne Retraite), cette section mérite pourtant de s’y attarder.
A travers leurs échanges, nos deux experts mettront en avant atouts & contraintes du produit, au nombre desquels : 1/ un levier fiscal puissant, d’autant plus intéressant qu’il échappe au plafonnement des niches (et à leur réduction) ; 2/ une exonération d’ISF pendant la phase d’épargne voire pendant la phase de rente ; 3/ sous certaines conditions, la transmission d’une rente (un flux de revenus) aux enfants sans droits de succession.
A l’heure de l’anniversaire des 10 ans du produit, il convient de faire le point sur son usage, mais aussi de rappeler que la loi a instauré une possibilité de transfert d’un PERP vers un autre établissement financier, sans perte de l’antériorité fiscale, et même sans frais 10 ans après l’ouverture du contrat. Une aubaine pour revisiter ses contrats et vérifier leur qualité !
Acte 1 – Re-découverte du PERP, un outil retraite et… successoral
Alexandra : Bonjour Richard, pourriez-vous m’expliquer le fonctionnement du PERP en quelques mots ?
Richard : Bonjour Alexandra, le Plan d’Epargne Retraite Populaire (PERP) est de principe simple : c’est un produit d’épargne à long terme, privé, qui permet de se constituer un revenu complémentaire différé, revenu régulier qui viendra s’ajouter lors de la retraite, aux rentes des différents régimes de retraites obligatoires auxquels le souscripteur aura contribué pendant son activité professionnelle.
A cet objectif fondateur et plus que jamais d’actualité à l’heure d’un déficit record des différents régimes de retraite obligatoires qui rendent incertain le niveau des pensions futures, peuvent en outre s’ajouter des stratégies patrimoniales très efficaces.
Alexandra : En quoi un produit vieux de 10 ans peut-il encore nous surprendre ? Y-a-t-il eu des nouveautés ?
Richard : En effet, créé à l’occasion de la loi du 21 août 2003 sur la réforme des retraites (dite « réforme Fillon »), le PERP a vu ses conditions et modalités de fonctionnement initiales précisées par un décret d’avril 2004 (il se nommait d’ailleurs PEIR jusqu’à cette date). Perçu comme complexe, initialement commercialisé auprès d’une clientèle populaire, lourdement chargé en frais et peu diversifié en termes de fonds disponibles, il a longtemps été mis de côté par les clientèles patrimoniales. Il est grand temps à nos yeux d’en revisiter l’intérêt.
Lors du dénouement du plan, le capital constitué (non rachetable – à la différence d’un contrat d’assurance vie) sera reversé par l’établissement sous la forme d’une rente viagère. Point faible souvent mentionné, le débouclage exclusif en rente viagère, a été tempéré depuis la réforme des retraites de 2010 : il est désormais possible de déboucler le plan en capital dans une limite de 20% de sa valeur. Cette sortie en capital entraîne soit une imposition à l’IR soit une imposition forfaitaire au taux de 7,5 % (après abattement de 10%) sur les sommes retirées de même que des prélèvements sociaux (7,4% en l’espèce – 7,1% si l’on prend en considération la fraction de CSG déductible).
Exception à cette règle, lorsque le montant de la rente viagère servie au dénouement du PERP n’excède pas 40 € mensuels (montant mesuré par contrat, soit l’équivalent d’environ 12 000 € par contrat) l’assureur peut procéder à son rachat : le capital accumulé est reversé à 100% au souscripteur (avec une taxation limitée à 14,15%). Certains y ont vu une stratégie de multiplication des contrats, en particulier à un âge proche de la retraite, permettant d’obtenir un avantage fiscal tout en recouvrant 100% du capital peu de temps après…
Alexandra : L’argent versé est donc bloqué de manière définitive…
Richard : Pas tout à fait, des exceptions, importantes, sont prévues par la loi. Si l’épargne versée sur un PERP est en principe bloquée jusqu’à l’âge minimum de départ à la retraite, il est possible de récupérer l’épargne de façon anticipée notamment dans les cas suivants : invalidité grave, expiration des droits aux allocations chômage suite à un licenciement, surendettement, cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire mais aussi décès du conjoint ou du partenaire de Pacs.
Ce dernier point ouvre la voie à deux stratégies patrimoniales de couples actifs :
a/ deux souscriptions plutôt qu’une : la souscription d’un PERP par chacun des conjoints entrainera d’une part le déblocage des fonds du contrat du défunt sous forme de rente (au bénéficiaire désigné – qui peut être le conjoint survivant – ou sous forme de rente éducation pour ses enfants mineurs), tandis que le contrat non dénoué sera alors déblocable à hauteur de 100% en capital (exonéré d’impôt sur le revenu et soumis aux prélèvements sociaux au taux de 7,4% – 7,1% si l’on prend en considération la fraction de CSG déductible). C’est donc l’équivalent de 50% de la valeur agrégée des deux contrats qui pourra être rendue sous forme de capital lors du 1er décès ;
b/ la souscription du contrat le plus important sur la tête de celui dont l’espérance de vie est la plus longue (madame si l’âge des conjoints est proche, madame ou monsieur, selon si la différence d’âge est importante) : dans ce cas, le contrat du survivant, bien qu’ayant bénéficié d’un avantage fiscal important, pourra être dénoué.
Alexandra : Les fonds versés sont-ils perdus au décès du souscripteur ?
Richard : Non, absolument pas. Mais les modalités sont différentes selon le moment auquel intervient le décès. Précisons les.
a/ en cas de décès du bénéficiaire avant le début du versement de la rente (phase de capitalisation), les droits acquis peuvent être versés sous forme de rente viagère au conjoint survivant ou à tout autre bénéficiaire expressément désigné dans le plan ou encore sous forme de rente éducation aux enfants mineurs du défunt jusqu’à l’âge de 25 ans.
Dans ce cas, la fiscalité de l’assurance-vie est applicable à la valeur capitalisée de la rente. C’est donc le prélèvement de l’article 990 I du CGI (20% et 31,25% au-delà de 700.000 € après abattement de 152.500 € par bénéficiaire) qui sera applicable pour les primes versées avant 70 ans (ce qui sera le cas la plupart du temps). Toutefois, sous conditions de la régularité du versement des primes dans leur montant et leur périodicité pendant 15 ans (soit à partir de 55 ans), le bénéficiaire de la rente sera exonéré. Il y a donc tout intérêt, en l’absence de besoin financier du conjoint survivant (ou s’il existe d’autres biens composant la succession sur lesquels il peut se servir), à désigner les enfants comme bénéficiaires de la rente (une clause optionnelle pourrait laisser au conjoint survivant le choix de bénéficier de la réversion ou de laisser ses enfants en profiter). Les enfants bénéficiaires seront soumis, lors de la perception de la rente, à la même fiscalité que celle que le défunt aurait supporté (à un taux marginal d’impôt sur le revenu normalement inférieur). Il s’agit donc de déplacer l’imposition de la rente des parents vers les enfants et d’éviter les droits de succession sur la valeur capitalisée de la rente. Le gain au niveau familial peut se révéler assez important.
b/ en cas du décès du bénéficiaire après le début du versement de la rente, une réversion du versement peut être prévue dans le contrat au profit d’un bénéficiaire déterminé. C’est une option non obligatoire des contrats, option exerçable par le bénéficiaire au moment du passage en phase de rente. Cette réversion a, en toute logique, un impact négatif sur le montant de la rente versée, raison pour laquelle le choix est alors définitif.
Or, les réversions de rentes viagères entre parents en ligne directe sont exonérées de droits de succession (CGI. art. 793, 1, 5°). Là aussi, il conviendrait donc plutôt de désigner les enfants comme bénéficiaires. Lors de la perception de la rente, ils seront soumis à la même fiscalité que celle que le défunt aurait supporté (à un taux marginal d’impôt sur le revenu normalement inférieur). Le gain au niveau familial reste intéressant, tout dépendra du montant des rentes déjà versées.
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